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2017, ANNÉE CHARNIÈRE POUR LA PLACE FINANCIÈRE SUISSE

08.04.2017 - 21:50
Fin du secret bancaire, échange automatique d’informations, franc fort, FATCA… N’en jetez plus. Depuis trois ans la place financière suisse vit une période particulièrement compliquée (doux euphémisme) qui a balayé ses fondamentaux. Comme tout bouleversement, ne survivront que ceux qui sauront s’adapter au nouveau monde environnant. À ce titre, 2017 est une année charnière. Ultime année de transition, elle se doit impérativement de marquer les jalons d’un nouvel essor de notre place financière. Dans le cas contraire, les choses pourraient s’aggraver. Très sérieusement.

En 2015, une étude conjointe de HEC Saint- Gall et de KPMG prévoyait la disparition de 30 % des banques privées du pays d’ici 2018. Au même moment, HES Zurich prévoyait que les gérants de fortune indépendants, de moins de cinq collaborateurs et gérant moins de 100 millions de francs, devraient augmenter leurs avoirs de 10 % ces prochaines années pour réaliser le même bénéfice annuel qu’aujourd’hui. Au niveau international, le dernier rapport du GFCI 20 (Global Financial Centres Index 20, septembre 2016) a donné un coup de massue sur la compétitivité de notre place financière. Sur les 87 centres financiers listés par le rapport, Genève chute au 23e rang en perdant 8 places. La mise à mort du secret bancaire et la hausse exponentielle des coûts de régulation sont les causes directes de cette situation. Baisse drastique des revenus combinée à une envolée des dépenses, le résultat est sans appel.

Je n’envisage pas d’autre place que la première pour la place financière suisse. Vingt ans de Private Banking au sein de grandes institutions m’ont conforté dans l’idée que la Suisse est le centre d’excellence mondial en
matière de banque privée. Tradition, discrétion, expertise. Trois ingrédients fondamentaux qui font partie de l’ADN helvétique. Il est bon de le rappeler. Nonobstant, il convient de ne pas subir la situation actuelle. Voici quelques pistes de réflexion.

Le secret bancaire faisant définitivement partie du passé, inutile de se lamenter et de le regretter. Il ne reviendra pas. La hausse constante des coûts de régulation – encore aggravée par la mise en place cette année de l’échange automatique d’informations – permet, elle, un angle d’attaque. Avec un seul but : faire comprendre au législateur que l’on a atteint le maximum tolérable en termes de régulation financière. La Suisse est le meilleur élève de la Planète s’agissant de la lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale. À tel point que bon nombre de clients quittent aujourd’hui la Suisse pour le Delaware ou d’autres places financières bien moins regardantes que notre législation. La dureté et la complexité de nos réglementations nous causent du tort et nous rendent bien moins compétitifs. De deux choses l’une : ou l’entier des acteurs internationaux s’alignent sur la Suisse ou cette dernière stoppe sa course solitaire. Sachant que la Suisse a cédé son secret bancaire sans la moindre contrepartie, accepté FATCA en courbant l’échine, avalisé l’échange automatique d’informations comme parole bénie, il serait temps qu’elle se préoccupe enfin de nos institutions financières. Qu’elle se mette au travail pour avoir mieux accès au marché européen. Serpent de mer allégrement oublié par nos édiles fédéraux, bien trop occupés à contenter l’Europe et les États-Unis au lieu de défendre les intérêts de leur propre place financière. Cet accès au marché européen est vital. Le business model traditionnel de plus de cinquante ans de gestion privée ayant vécu, la gestion d’avoirs perdurera toujours, mais sous une autre forme. En poussant plus loin la réflexion, on peut raisonnablement penser que d’autres activités complémentaires viendront s’y greffer. Je pense notamment à l’activité de Family Office. Peu répandue chez nous, elle existe depuis des décennies en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Activité à haute valeur ajoutée, elle nécessite des moyens importants, son principal point faible étant son absence de régulation en Suisse, sauf si elle est couplée à une activité de gestion d’avoirs qui, elle, est strictement régulée. La lecture du rapport GFCI 20 (Global Financial Centres Index 20) révèle un autre fait important : toutes les places financières qui ont progressé dans le classement le doivent à l’intégration de Fintech dans leur stratégie de développement. En Europe, citons le cas du Liechtenstein dont les efforts continus vers les Fintech lui ont permis de gagner 20 rangs en 2016. La Suisse témoigne d’un retard certain en la matière. Or la numérisation de la finance permet de gagner en rentabilité. Citons le segment Retail Banking, par exemple. Déléguer ces activités à des conseillers-robots n’est plus un choix mais une nécessité. Inclure dès à présent les Fintech c’est préparer la banque de demain.

Je ne peux évoquer les défis qui attendent la place financière suisse en 2017 sans parler d’une donnée sur laquelle elle n’aura aucune prise : l’administration Trump. Dérégulation et protectionnisme à l’aune d’une nouvelle realpolitik. Les contours du programme Trump sont clairement définis. Cela a déjà commencé par une série de tensions diplomatiques totalement inédites dans l’histoire de la diplomatie américaine depuis plus de cinquante ans : en moins de trois semaines, les États-Unis se sont fâchés avec le Mexique, l’Australie et tout récemment l’Iran. Sans compter le décret anti-immigration et la dénonciation unilatérale de l’ALENA. Bref. On le voit, malgré les menaces surréalistes de notre présidente Doris Leuthard à l’égard de Donald Trump, la Suisse n’aura rien à dire face au pays le plus puissant du monde, pays dont le président ne semble pas manier l’art de la négociation avec une habileté démesurée...

Donald Trump l’a annoncé durant toute sa campagne : il veut déréguler le secteur financier américain. Ce n’est pas une bonne chose pour notre place financière qui accumule les réglementations. Une dérégulation américaine risque d’attirer encore plus d’investisseurs vers les États-Unis aux dépens de la Suisse. Une légère pointe d’optimisme cependant : on peut s’attendre à ce que l’administration Trump ne charge pas encore plus le bateau en ce qui concerne de nouveaux accords USA/Suisse, l’homme voulant diminuer l’arsenal juridique
dans tous les secteurs économiques de son pays. D’autant que l’administration Obama a mis la barre très haut dans l’encadrement du contribuable américain. Mais attention : connaissant la versatilité de Donald Trump, tout peut très vite changer. Protectionniste, Donald Trump va protéger sa place financière. Hors de question pour lui d’affaiblir des paradis fiscaux comme le Delaware ou le Wisconsin. Les tentatives populistes sur le tard d’Obama d’y mettre un frein seront jetées aux oubliettes. Aucune chance que le mouvement s’inverse pour la Suisse.

Le tableau dépeint semble laisser peu de marge de manoeuvre pour la place financière suisse. Cependant, elle pourrait tirer son épingle du jeu sur deux axes précis : accélérer son accès au marché européen comme déjà exprimé afin de générer une nouvelle source de revenus mais aussi et surtout augmenter de façon significative sa présence aux USA. En effet, profitant d’un marché domestique gigantesque, dont les charges opérationnelles devraient diminuer selon la volonté de Donald Trump, les banques suisses auraient tout à y gagner. Avec un atout-maître : leur savoir-faire. Le meilleur du monde. Bien supérieur au savoir-faire américain. Battre les États-Unis sur leur propre marché local : voilà un défi qui vautla peine d’être relevé !

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