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ÉLOGE DE LA FRUGALITÉ ET DU RETOUR À L’AUTHENTICITÉ

04.08.2017 - 18:45
ALEXANDRE BARDOT, Avocat-Associé, Lemania Law Avocats   Les ressources naturelles ne sont pas illimitées. Au-delà de ce truisme, il est aisé de constater que l'eau, les terres cultivables, le bois ou encore les énergies fossiles, se raréfient. En outre, les classes moyennes des pays développés voient leur pouvoir d'achat diminuer. Alors que faire, se lamenter avec des mantras du type « c'était mieux avant » ? Ou bien vivre mieux avec moins, utiliser la pénurie comme une source d'innovation, de recherche de meilleure qualité de vie à l'instar de ce qui se produit en Californie, où la pénurie d'eau a conduit au recyclage des eaux usées et à inventer de nouvelles technologies dans l'agriculture par exemple.

D’ailleurs, inspirée par les écrits de Pierre Rabhi, l'agriculteur poète et philosophe auteur de « la sobriété heureuse », la génération Y a déjà fait sienne l'économie de partage plutôt que le concept de la possession qui lui semble éculé. Le manque de ressources permet aussi l'éclosion de solutions intelligentes utilisant des moyens très simples. L'équation « plus de ressources donc plus d'innovations » est erronée.

Blablacar, Airbnb ou encore les services permettant d'envoyer ou recevoir de l'argent grâce à un téléphone portable sans compte en banque sont les produits de ces réflexions. Mais le moteur de l’innovation frugale, c’est le génie humain, pas le robot ni le code informatique. Comment ces principes peuvent-ils se traduire, appliqués à la banque, à la gestion de fortune ou à l’ingénierie financière et juridique ? Revenir aux bases, aux besoins des clients et au bon sens qui a fait le succès de la place financière.

Rechercher un meilleur alignement des intérêts par le biais d’une gestion des titres en direct, des choix audacieux dans les Small & Mid cap, le private equity ou le real estate par exemple, sans déléguer la gestion du client à une « usine produits » centralisée après avoir défini son profil d’investissement et de risque. Au niveau des professions du droit, l’intelligence artificielle peut aider à simplifier et accélérer les recherches fastidieuses, à trouver des données exploitables de manière facilitée, afin de pouvoir se concentrer sur les besoins du client, sur la stratégie à adopter.

En revanche, comme pour la gestion de fortune, il nous semble peu probable que l’intelligence artificielle remplace l’être humain qui, avec des compétences renforcées, sera seul capable de discerner des besoins patrimoniaux spécifiques, des situations complexes et d’élaborer avec le client, en fonction de sa subjectivité propre, des stratégies adaptées. L’humain est encore au coeur de tout et pour longtemps, en ce qui concerne la gestion d’une clientèle privée. L’apport de ressources, de technologie, de robots et d’intelligence artificielle sera un atout évident, mais ne constitue pas une solution de remplacement des professionnels de la gestion, du chiffre et du droit qui sont capables d’offrir des solutions à forte valeur ajoutée. En revanche, la généralisation de ces outils constituera une menace très forte pour les professionnels qui offrent des solutions standardisées, reproductibles à l’infini.

Contrairement à ce que certains consultants pensent avec cynisme, les clients privés, qu’il s’agisse de membres d’anciennes familles ou de nouveaux entrepreneurs, ont tout le discernement nécessaire pour faire la différence entre une gestion standardisée et robotisée et une véritable gestion sur mesure adaptée à leurs besoins spécifiques. Leur proposer une gestion passive sur base d’ETF où aucune place n’est laissée à la créativité et à l’intelligence, ou bien les gérer dans une division de distribution de fonds maison et de produits
structurés n’est plus du tout conforme aux attentes de clients aguerris et désormais d’autant plus mobiles qu’ils ne sont plus liés à l’argument du secret fiscal. C’est à ce niveau que les acteurs innovants, à taille humaine, peuvent se différencier, en alignant leurs intérêts sur ceux des clients.

Le modèle qui consistait à prendre une commission de gestion élevée sans offrir de réelle performance a fait long feu. Il serait courageux de proposer une tarification largement axée sur des performance fees par exemple. À grand renfort de marketing, on cherche à faire croire au client qu’il bénéficie d’une approche « tailor made », personnalisée, humaine, quand cela n’est pas le cas. Alors que celui-ci est à la recherche de conseils à forte valeur ajoutée en matière patrimoniale, que ce soit pour la gestion de ses actifs, le mode de
détention et de structuration de son patrimoine, sa résidence fiscale ou encore ses problématiques de succession. En somme, il est à la recherche de solutions frugales, innovantes et authentiques produites par des êtres humains et non par des machines.

Les acteurs de la gestion de fortune de nouvelle génération ont tout intérêt à revenir à ce qu'ils savaient très bien faire. Prendre des risques, innover, gérer activement le portefeuille, trouver de nouvelles opportunités d’investissement. Nous avons des raisons de nous réjouir, les choses évoluent très favorablement et on peut constater qu'une bonne partie du secteur accélère sa mue.

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