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Une nouvelle start-up lutte contre les personnes qui mentent sur leur CV

19.03.2017 - 22:06
S'il y a bien un fait que l'on peut considérer comme avéré depuis plusieurs années en France, c'est qu'il est globalement infernal de trouver du travail – sans parler d'un poste fixe au salaire décent. Alors que plus de trois millions de Français passent leurs journées à rafraîchir machinalement le site de Pôle Emploi, une start-up marseillaise a trouvé judicieux de se faire du fric en proposant aux entreprises de lutter contre les faux CV à leur place – ou même ceux qui sont un peu enjolivés.

Son nom, CVérifié, me fait un peu penser à ce logiciel infernal qui détecte le plagiat dans nos mémoires de fin d'études. Personne ne l'a jamais vu, mais tout le monde en parle – telle une épée de Damoclès planant au-dessus de tous les étudiants pour qui « s'inspirer » n'est pas nécessairement « copier ». Si veiller à ce que des étudiants feignants ne pompent pas entièrement le travail des autres peut sembler tout à fait légitime, dénoncer des personnes à la recherche d'emploi est une tout autre histoire.

Pour un forfait de départ de 50 euros, CVérifié va passer pas mal de coups de téléphone pour vérifier si tout ce que vous racontez dans votre curriculum vitae est vrai. Mickaël Figuiere, l'un des fondateurs et gérant de CVérifié avec qui j'ai pu discuter par e-mail, précise tout de même les limites du processus : « Il faut savoir que légalement, nous n'avons pas le droit de vérifier le diplôme d'un candidat sans son consentement. La personne qui postule est alors informée que l'ensemble des informations qu'elle a communiqué seront soumis à étude et à authentification. Étonnamment, à cette étape-là, les fraudeurs s'enfuient en courant. C'est un assez bon filtre pour les entreprises. »

Le quotidien 20 minutes a pu s'entretenir avec les quatre fondateurs de cette entreprise au sujet de sa création. L'idée serait venue après des travaux ratés dans un appartement de l'une des cofondatrices de la start-up – son propriétaire, non qualifié pour ce type de réparations, s'en était chargé lui-même. La jeune entrepreneuse se dit qu'il y a peut-être là un bon filon à exploiter : devenir une sorte de milice au service des entreprises qui ne peuvent se permettre de perdre du temps – et donc de l'argent – à faire passer des entretiens à des gens qui ont rajouté quatre mois à leur stage de deuxième année ou se sont improvisés polyglottes.

Bon, il faut dire que tout le monde ment plus ou moins sur son CV. Selon une étude de 2013, il semblerait que 75 % des gens mentent sur leur CV. Mais nous mentons pour tout. Nous mentons à nos parents au sujet de la cigarette, nous mentons à potes sur « ce message qu'on n'a jamais reçu » et nous mentons aussi à nos patrons sur « ce train qui a heurté un sanglier ». La nature humaine est ainsi faite. Mais mentir sur son CV est parfois source d'interprétations. Sans ajouter des diplômes ou des expériences fantômes, chacun adapte son CV et les compétences à mettre en avant suivant le poste auquel il postule. D'ailleurs, le premier conseil que l'on m'a donné lorsque je cherchais du boulot, c'était de faire un CV par candidature. Bien sûr, le risque n'est pas le même s'il s'agit de recruter un facteur ou un agent de sécurité, comme me l'explique Figuiere : « Dans ce cadre les enjeux sont importants, la responsabilité d'un agent de sécurité qui fait une faute grave sur le terrain a de lourdes conséquences ». Certes, mais à en croire le site de l'entreprise, ce serait un véritable fléau qui gangrènerait notre société.

En effet, le site de la start-up ressemble plus à une infographie du Ministère de l'Intérieur sur la délinquance qu'à une entreprise innovante. Le premier point mis en avant est « Rassurez votre assureur, évitez de recruter de faux diplômés », car si la personne concernée n'a aucune importance, elle passe en dernier. Le but étant d'éviter un procès pour sa propre bêtise. Viennent ensuite les « chiffres clés de la falsification de diplômes ». Après avoir rappelé cette enquête qui démontre que 75 % des CV sont bidonnés, le site explique que « 7 % des effectifs des grandes entreprises ont de faux diplômes ». Voilà, vous pouvez désormais épier vos collègues afin de savoir laquelle de ces enflures a pris votre poste tant convoité alors qu'il n'a même pas fait Science Po Paris. Enfin, la dernière information importante mise à disposition est que le prix moyen d'un faux diplôme serait de 150 euros. Nous sommes donc entre un Enquête Exclusive sans budget et un JT de TF1 sur « ces nouvelles formes de délinquances qui viennent entacher l'image des entreprises françaises ».

Bien évidemment, tout n'est pas de la faute de cette start-up. Si comme CVérifié le prétend, 7 % des effectifs de grandes entreprises ont de faux diplômes, cela indique deux choses : les entreprises ne sont même pas capables de vérifier un CV, alors qu'il suffit très souvent de taper un nom dans Google. Mais surtout, s'ils ne s'en rendent pas compte, c'est que soit ils sont trop bêtes pour n'avoir rien vu, soit que la personne fait parfaitement son boulot pour le poste pour lequel elle est payée – diplôme ou non. Alors oui, certains diront : « Ouin-ouin, ils prennent la place d'honnêtes travailleurs qui ont de vrais diplômes. » Même chose que pour les entreprises : si vous vous faites évincer par un mec qui a juste inventé des choses dans son CV, posez-vous des questions sur vos compétences.

Cela relance bien sûr tout le débat autour de la portée des diplômes. Les personnes sans diplôme sont les plus durement touchées par le chômage, ce qui démontre l'importance et le poids de ce vulgaire bout de papier dans notre société. De plus, selon une étude américaine, les recruteurs passent en moyenne seulement six secondes par CV et regardent en priorité le diplôme. Mickaël Figuiere le dit lui-même : « La France est encore un pays où nous accordons beaucoup d'importance au CV et à son contenu, plus qu'à l'humain et à son expérience. » Alors peut-être qu'enjoliver un CV est parfois une affaire de survie.

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