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VALEURS MONDIALES DE L’AUTOMOBILE: LES OPPORTUNITÉS VONT-ELLES COMPENSER LES DÉFIS?

23.06.2017 - 14:47
L’équipe Global Equities a rencontré plusieurs fabricants d’équipements automobiles de première monte (original equipment manufacturers, ou OEM) et fournisseurs en marge du 87e Salon automobile de Genève qui s’est tenu récemment – rencontres desquelles elle a tiré une impression plutôt mitigée. Tout en soulignant les nombreuses opportunités de croissance dans le segment des véhicules électriques et autonomes, la plupart des OEM traditionnels confirment la sévérité des défis auxquels le secteur est confronté – notamment le durcissement de la réglementation et la concurrence émergente des spécialistes de la technologie. Dans ce contexte, notre prédilection porte sur les entreprises qui bénéficient d’atouts concurrentiels indéniables et d’un positionnement de niche.

La situation actuelle de l’industrie automobile est un véritable dédale ponctué d’obstacles et de défis, à la fois évidents et cachés. Cependant, les entreprises capables de s’adapter à la nouvelle donne et de se positionner en conséquence bénéficieront d’opportunités de croissance qui contribueront à compenser les défis et à offrir des solutions pour créer de la valeur.

LES GRANDS DÉFIS AUXQUELS LES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES SONT CONFRONTÉS

Pour commencer, le contexte réglementaire est indéniablement hostile. Les récents scandales de triche sur les émissions polluantes impliquant des constructeurs automobiles internationaux ont provoqué une réaction très vive de la part des autorités. Ces dernières se sont particulièrement focalisées sur les véhicules diesels. Depuis la crise Volkswagen en 2015, les régulateurs se sont empressés de réagir. Le programme Corporate Average Fuel Economy (CAFE) aux Etats-Unis prévoit d’imposer des normes sévères en matière d’émissions de CO2. D’ici 2021, l’Union européenne entend réaliser l’objectif ambitieux de limiter les émissions de CO2 de toutes les voitures neuves à seulement 95g par kilomètre.

Les efforts de la Chine visant à abandonner les moteurs diesels polluants en faveur de nouveaux véhicules électriques sont tout aussi déterminés. En conséquence, la pénétration du diesel au niveau mondial commence déjà à diminuer. En Europe occidentale par exemple, la part du diesel est susceptible de chuter à environ 20% en 2025 contre 50% actuellement.Pour faire face au durcissement de la réglementation, les OEM sont contraints de remplacer leurs moteurs diesel et de moderniser leurs usines de production via l’adoption de technologies «propres». En conséquence, la majorité des OEM internationaux prévoit d’accroître leurs investissements au cours des années à venir.

Les mutations technologiques, notamment l’électrification, sont quasiment certaines d’entraîner des dépréciations, dans la mesure où bon nombre d’investissements effectués il n’y a pas si longtemps, à une époque où les moteurs à combustion étaient censés perdurer à jamais, ne rempliront pas les hypothèses de rentabilité initiales. Les mentalités et les cultures devront également changer rapidement, ce qui est loin d’être acquis dans une industrie qui tend à être fortement syndiquée et dominée par des ingénieurs.De nouveaux venus comme Telsa talonnent désormais les acteurs historiques. Le fait que Telsa ait réussi à établir une marque reconnue en partant de zéro a littéralement consterné les constructeurs traditionnels. Outre leurs prouesses informatiques et leurs moyens considérables, les acteurs de la technologie ont également l’avantage de partir d’une feuille blanche, sans préconceptions en termes de design ni héritage du passé.

Le gonflement des stocks et le ralentissement des ventes de voitures inquiètent également les constructeurs automobiles. S’il est vrai que les prix moyens ont augmenté, principalement en raison de la popularité des SUV, les ventes ont par contre été soutenues par d’importantes remises. Outre la rentabilité inférieure qu’ils génèrent, ces modèles se montrent non viables, comme en témoigne la récente baisse des ventes mondiales.

Le ralentissement du marché fait également naître la menace d’un affaiblissement des activités de leasing. Alors que les taux d’intérêt remontent à travers le monde et que les véhicules électriques commencent à sérieusement concurrencer les modèles à moteurs thermiques, la valeur résiduelle est menacée d’effondrement. Face à ces défis, de nombreux OEM fortement exposés au marché du leasing semblent pris au dépourvu.

UN SECTEUR EN MUTATION CONFRONTÉ À UNE RUPTURE TECHNOLOGIQUE

Les véhicules électriques constituent un élément intégral dans le bouleversement en cours. Telsa a d’ores et déjà montré qu’il est possible de produire des voitures moins polluantes tout en préservant les caractéristiques propres aux modèles haut de gamme, y compris en termes de styles. Du côté de la demande, les programmes d’incitation ont favorisé une plus grande adoption dans des marchés clés comme la Chine. La
croissance des volumes va s’accompagner d’une baisse des prix et d’une amélioration des réseaux, accélérant d’autant l’adoption.

En parallèle au développement de la pénétration des voitures électriques, une opportunité de croissance associée, qui concerne davantage les équipementiers, réside dans l’accroissement du contenu électronique dans chaque véhicule. L’électronique automobile est sans doute le segment qui enregistre la plus forte croissance en ce moment. L’on s’attend à ce qu’il enregistre un TCAC considérable d’environ 15% entre 2016 et 2020. Ce segment va des systèmes d’infodivertissement – tels que les écrans HD intégrés, les optiques, les systèmes de sécurité et d’aide à la conduite – à l’Internet des objets et au remplacement de systèmes mécaniques par des solutions électroniques. Un autre élément intégral dans la tendance actuelle concerne les voitures sans conducteur ou autonomes. En étant hautement connectées, ces voitures seront capables de communiquer non seulement avec les autres véhicules (V2V) mais également avec les infrastructures extérieures (V2X). La transmission continue de données en temps réel est une condition préalable essentielle. Cela donne naissance à de nouveaux marchés, notamment dans les applications qui permettent aux clients de connecter leur véhicule à leur domicile ou leur bureau. Les voitures sans conducteur vont clairement bénéficier du développement de la connectivité et de la disponibilité de données, et les entreprises mondiales des technologies de l’information ont un avantage intrinsèque dans ces domaines. Sans surprise, alors que Google s’efforce de simplifier sa Google Car, Apple a apparemment recruté 600 nouveaux collaborateurs issus du secteur automobile pour développer en interne son «Apple Car». Samsung a pour sa part formé un partenariat avec Audi et LG avec GM, tandis que Microsoft et Toyota sont en train de développer conjointement une voiture intelligente.

DE LA PROPRIÉTÉ AU PARTAGE DE VÉHICULES

Face au bouleversement technologique en cours dans l’industrie automobile, il faut s’attendre à d’importants changements de comportement de la part des clients. Bon nombre des voitures autonomes de demain deviendront probablement de simples moyens de transport partagés via des plateformes de mobilité telles qu’Uber. De plus, compte tenu de la courte durée de leur cycle de vie (avancées technologiques fréquentes), les clients sont susceptibles de se convertir de propriétaires en utilisateurs. Outre l’avantage en termes de coût, cela leur confèrera une plus grande flexibilité lorsqu’il s’agit d’utiliser un véhicule dans un but particulier.

La mobilité partagée est déjà une tendance qui s’affirme dans les grandes villes en manque de places de parking et où les péages visant à lutter contre les embouteillages sont élevés. Aux Etats-Unis par exemple, la proportion de jeunes (âgés de 16 à 24 ans) titulaires du permis de conduire a baissé de 76% en 2013 à 71% à l’heure actuelle.

AMPLES OPPORTUNITÉS MAIS AUSSI DES RISQUES CONSIDÉRABLES POUR LES INVESTISSEURS

Il est tentant d’acheter des actions d’OEM compte tenu de leurs très faibles valorisations, mais le cycle de l’industrie automobile et les autres défis auxquels elle est confrontée appellent à la prudence. A l’autre extrémité du secteur, le potentiel des nouveaux entrants est alléchant mais leurs valorisations sont souvent irréalistes. L’une des solutions consiste à s’en tenir aux entreprises qui présentent un solide atout concurrentiel. Dans le segment des OEM, Subaru pourrait être une option en raison de son positionnement de
niche et de son rapport qualité/prix inégalé. Ferrari présente une situation plus spécifique encore, la renommée de la marque et sa stratégie habile d’exclusivité lui conférant un pouvoir de fixation des prix auquel aucun autre constructeur automobile ne saurait prétendre. Des situations particulières peuvent également découler de restructurations internes et d’opérations de fusion-acquisition, comme c’est le cas pour Peugeot – ou d’élargissement de la gamme de modèles et d’expositions géographiques favorables, comme c’est le cas pour Geely. Les équipementiers automobiles constituent une autre option. Des entreprises comme Plastic Omnium, Valeo et Nexteer Automotive vendent leurs produits à un large éventail d’OEM, minimisant ainsi le risque de choisir le mauvais OEM. Ces entreprises surfent également sur la vague du développement de véhicules plus légers, plus écologiques et plus sûrs. Enfin, cette discussion serait incomplète sans évoquer le cas épineux de Telsa et de l’attitude qu’il convient d’adopter face à cette jeune société fortement déficitaire qui ne vend que quelques centaines de milliers de véhicules, qui devra affronter une concurrence féroce au cours des années à venir, et dont la capitalisation boursière pourtant est déjà supérieure à celle de Ford ou de GM. Bien entendu, ces multiples de valorisation apparemment absurdes ne traduisent pas toute la réalité: en effet, Telsa doit être valorisée à l’aune de son potentiel de rupture. L’avancedont elle dispose fait que l’entreprise va rester le leader incontesté des véhicules électriques pendant encore trois ans au minimum, et son modèle 3 est susceptible de faire l’objet d’une production de masse. La qualité de ses produits et l’attrait associé à son statut de société de la Silicon Valley ont créé une marque forte à partir de zéro, et son absence d’héritage du passé se révèle être un avantage. Cerise sur le gâteau: Telsa offre un potentiel considérable à supposer que le groupe parvienne à devenir un poids lourd du segment des batteries. Le risque est important mais est à la mesure des rendements potentiels, si bien qu’investir dans l’entreprise est plus raisonnable qu’il n’y paraît.

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