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RFFA : Ce qui va changer en Suisse romande

02.04.2020 - 20:13
Le projet de loi sur la réforme fiscale suisse et le financement de l’AVS (« RFFA ») a été approuvé à une majorité des Suisses avec 66,4 % lors de la votation populaire du 19 mai 2019. Au niveau cantonal les Genevois l’ont approuvé à 58,2 % alors que les Vaudois l’ont plébiscité par 80,71 % des voix, suivi par les 72,13 % des Neuchâtelois et des 67,9% des Jurassiens.

 

Cela faisait plus de deux ans que les entreprises attendaient la conclusion de cette réforme après l’échec de la première version en 2016. L’enjeu était de taille, la suppression annoncée des statuts fiscaux spéciaux cantonaux risquait de faire fuir les entreprises concernées et la manne financière qui en découlait.
Pour rappel, les sociétés à statut fiscal spécial ont versé en moyenne entre 2012 et 2014 quelque 3,6 milliards de francs à la Confédération (sans compter la part des cantons à l’impôt fédéral direct). Ce montant équivaut grosso modo à la moitié des recettes fédérales tirées de l’imposition des bénéfices. Durant les mêmes années, les sociétés à statut fiscal spécial ont rapporté aux cantons et aux communes des recettes moyennes estimées à 2,1 milliards de francs (y compris la part des cantons à l’impôt fédéral direct), soit environ un cinquième des recettes annuelles de l’impôt sur le bénéfice des cantons et des communes. La part des sociétés à statut fiscal cantonal aux dépenses de recherche et de développement (R&D) des entreprises privées, qui est estimée à 47,6 %, est également considérable.
Aussi quelques semaines après le vote positif de la RFFA, plusieurs sociétés romandes ont confirmé la création de plusieurs centaines de postes sur l’arc lémanique, confirmant ainsi l’importance de cette réforme pour le milieu économique.
La RFFA rentrera en vigueur au 1er janvier 2020 et s’articulera autour de deux volets, la réforme de l’imposition des entreprises et le Financement complémentaire compensatoire de l’AVS.

La réforme fiscale des entreprises
Toutes les personnes morales seront assujetties aux mêmes règles d'imposition. Concrètement, cela signifie que pour les entreprises assujetties à l’imposition ordinaire, le montant des prélèvements diminue, tandis que les sociétés à statut spécial payent plus d’impôts. La plupart des cantons vont procéder à une baisse du taux d'imposition des personnes morales dont l’ampleur de la réduction varie fortement d’un canton à l’autre (voir graphique ci-dessous).

Source : BDO

Afin que la Suisse reste un site d’implantation attrayant pour les entreprises, cette mesure est accompagnée de nouvelles réglementations fiscales spéciales visant également à promouvoir la recherche et le développement (R&D).
D’une part, une partie des bénéfices provenant d’inventions pourra bénéficier, grâce au système de la « patent box », d’une imposition réduite dans les cantons. Les bénéfices provenant de brevets doivent dans ce cas être séparés des autres revenus et imposés à un taux privilégié.
D’autre part, ces derniers auront la possibilité de prévoir une déduction supplémentaire de 50 % au maximum pour les dépenses de R&D. De plus, les cantons dont la charge fiscale effective de l’impôt sur le bénéfice s’élève au moins à 18,03 % auront la possibilité d’introduire une déduction pour autofinancement. Ces réglementations spéciales seront assorties d’une limitation de la réduction contraignante pour les cantons, limitation d’après laquelle une entreprise devra toujours acquitter l’impôt sur au moins 30 % du bénéfice imposable qu’elle aurait affiché sans application des réglementations spéciales.
La réforme prévoit en outre un relèvement de l’imposition des dividendes à 70 % au niveau de la Confédération et à au moins 50 % au niveau des cantons, sachant que ceux-ci peuvent prévoir une imposition plus élevée (60 % par exemple à Genève).
Enfin, pour être exhaustif, il est prévu une déduction pour les intérêts notionnels sur le surplus de capital et des exonérations pour l’impôt sur le capital (ces mesures étant facultatives pour les cantons). En outre, la législation fiscale approuvée introduira des ajustements pour le principe de l’apport en capital, le système du crédit d’impôt forfaitaire et permettra un step-up en cas d’immigration.

L’aspect social
Pour faire passer la réforme fiscale une compensation sociale a été rajoutée au projet de loi initial. Le projet permettra d’assurer que 2 milliards supplémentaires seront versés chaque année à l’AVS à compter de 2020. Quelque 800 millions seront versés par la Confédération. Quant au 1,2 milliard restant, il sera financé par les entreprises et par les assurés. Les cotisations à l’AVS seront en effet légèrement augmentées pour la première fois depuis plus de 40 ans, à savoir de 0,3 point de pourcentage. La part de l’employeur et celle de l’employé seront en effet augmentées de 0,15 point de pourcentage, soit de 1 fr. 50 pour 1000 francs.
Le projet permettra de réduire clairement le déficit de financement de l’AVS. La réforme structurelle de l’AVS (AVS 21) reste néanmoins indispensable pour stabiliser le financement de l’AVS.
En complément du volet social ajouté sur le plan fédéral avec le financement de l'AVS, le projet genevois prévoit une mesure d'accompagnement destinée aux structures d'accueil de la petite enfance et à l'accueil familial de jour. Celle-ci sera financée par les employeurs à travers un prélèvement limité de 0,07 % sur la masse salariale.
Par ailleurs, le Grand Conseil a adopté un contre-projet à l'initiative "pour des primes d'assurance-maladie plafonnées à 10 % du revenu ménager" (IN 170). Le montant des subsides d'assurance-maladie sera augmenté et passera de 90 à 300 francs. Davantage de personnes pourront en bénéficier : 125 000 personnes pourront toucher un subside contre 53 000 aujourd'hui. Cette mesure qui coûtera 186 millions de francs par an permettra de soulager la classe moyenne.
 
Conclusion
La RFFA a été tactiquement un coup de maître en liant d’un coup deux problèmes urgents pour notre pays: l’abrogation des statuts fiscaux spéciaux et la stabilisation de l’assurance-vieillesse. Cette solution originale et habile a obtenu l’adhésion du plus grand nombre et permet ainsi d’introduire un système fiscal accepté sur le plan international et qui maintiendra l’attractivité et la compétitivité de la Suisse en tant que place économique.

par Patricj Piras

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