Il y avait une douce langueur à attendre l'heure du dîner juché au sixième étage de ce luxueux fleuron de l'hospitalité genevoise, mon nid douillet représentant sans aucun doute la quintessence de l'excellence du Four Seasons des Bergues : noblesse des matériaux, élégance du design et perfection dans sa préparation.

L'heure de la dégustation avait sonné et après un court trajet d'ascenseur au rez-de-chaussée, je rejoignis le sésame de la gastronomie italienne la plus aboutie de Genève. Le directeur du restaurant, Monsieur Fabio Masi, ayant aussi "le nobile cappello" de sommelier (couronné meilleur sommelier d'Italie en 2010 et meilleur sommelier de Suisse en 2012), fut un hôte de grande qualité durant toute cette auguste soirée.

Il Lago a la vastitude des restaurants du grand luxe hôtelier, fines boiseries, hauts plafonds, tables de blanc nappées, tableaux contemporains et espace permettant une intimité bien appréciée, le tout sous l'œil expert d'un personnel italophone toujours aux petits soins pour le meilleur des services.

Les douces hostilités commencèrent par un apéritif fait de chips safranées, avec cabillaud et gelée de betterave rouge, secondées d'arancini à la farce onctueuse de gelée de carottes frites roulées en boule et "topées" d'une chips de carotte. La mise en bouche, tout aussi succulente, compléta mes meilleures espérances pour ce festin, d'un filet de rouget et calamar sur un léger lit de pomme de terre citronné et tempura de seiche, accompagnés fort justement par un champagne rosé Bollinger, tempéré à souhait. L'entrée de langoustine rôtie, duo de pois chiches, corne d'abondance et bisque citronnée fut une belle découverte par l'association savante des saveurs du féculent et du citron associés à une généreuse langoustine rôtie parfaitement exécutée.

Le premier vin d'accompagnement, un Griset Blanc domaine Les Charmes 2014, blanc de caractère à la robe or pâle, offre un nez expressif aux arômes de mandarines et floral sur une bouche tout en rondeur, avec la vivacité nécessaire pour accompagner sans faute la fine touche iodée de la langoustine et de la bisque citronnée par un soupçon d'acidité rapicolante.

La suite, tout italienne avec des tortellis maison de fromage, citron et menthe, confortait la maestria du chef Sena à allier non seulement les goûts, mais aussi une réalisation remarquable par le côté fondant des pâtes. Le sauvignon Weinkelleiri Kossler 2015 fut une belle combinaison par sa vinification d'altitude, sa force et le dynamisme de ses arômes de fruits mûrs et exotiques avec le citron et la menthe sans nuire à la douceur du fromage.

Le risotto de homard fut pour moi le point d'orgue de mon menu dégustation, preuve indélébile d'un savoir-faire gastronomique italien sans pareil, où la complexité de ce plat, par l'attention de chaque instant qu'il nécessite, donne ce côté fondant qui ne l'emporte jamais sur le quasi-croquant de sa préparation. Bien sûr le homard était l'amant parfait pour ce magnifique plat habilement calibré, où le seul mot venant à l'esprit était "encore".

L'excellent Meursault-Blagny "La Pièce Sous e Bois" de Sylvain Langoureau en cuvée 2014 à la belle robe dorée et lumineuse était un choix idéal par son côté droit, élégant, sans fard, minéral aux légères notes d'agrumes, pour sublimer le côté maritime du risotto. Le cabri laqué au banyuls et sa variation d'artichaut, poire et crème de pomme de terre au basilic nous ramena "con dolcezza" sur Terre après notre escapade océanique. Tendreté et finesse de la cuisson mi-rosée. Le laquage amenant une fine touche croustillante se mariant avec précision à l'onctuosité de la viande. Notre "champion" échanson a pris soin de sélectionner un superbe Barolo "Bricco Rocche" Ceretto 2005, à la robe rouge orangé, aux solides tanins et à la texture presque grasse, qui, par ses fragrances boisées aux accents de réglisse, épices, chocolat rehaussé de petites notes minérales, ne pouvait être meilleur compagnon de notre chevreau.

La déclinaison ensoleillée de mandarines aux épices et crème de marrons fut la touche de fraîcheur toute transalpine d'un dessert que le Tokaj Aszu " 5 Puttonyos" Disznoko de 2007 agrémenta de sa générosité liquoreuse sucrée pour clore ce repas. Il y a dans ce restaurant italien lacustre une adéquation parfaite entre le chef étoilé Sena et son sommelier Monsieur Masi, un contentement double des papilles, et on peut le dire, une double maestria du solide et du liquide. Une grande table genevoise qui mérite un beau détour pour le temps d'un repas faire la dolce vita au bord de l'eau.