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Être progressiste sur un continent hostile aux réformes

01.04.2020 - 20:19
Les soi-disant progressistes sont souvent les plus conservateurs. Derrière un look et des attitudes de « millenials », ils sont en réalité les Hérauts du néo-conservatisme et du statu quo sans jamais se l’avouer.

 

S’il apparaît aujourd’hui évident que le continent européen nécessite des changements structurels d’ampleur, le moindre projet de réforme se heurte à des résistances croissantes. À cet égard, le mouvement social des gilets jaunes en France n’est qu’une expression de ces levées de boucliers qui émaillent l’Europe de manière plus ou moins médiatisée et violente.
Le sud du continent connaît globalement des systèmes fiscaux obsolètes, décourageant l’entreprenariat, et des transferts sociaux importants qui sont susceptibles de décourager l’activité professionnelle. L’État y est hypertrophié et le régime des retraites est proche de l’implosion, sans qu’aucun responsable politique n’ait le courage d’empoigner le problème et de dire la vérité à ses administrés. Les prélèvements obligatoires atteignent des records inversement proportionnels au taux de croissance. Qui pourrait sérieusement s’en étonner ?
La difficulté pour une frange de la population est de sortir du mythe des Trente Glorieuses de l’après-guerre. Nul besoin pour les gouvernements d’être de grands stratèges ou de brillants économistes puisqu’il « suffisait » jusqu’à une époque relativement récente, de répartir les fruits d’une croissance insolente sur un continent qui renaissait de ses cendres. Les États procédaient à un arbitrage entre les parts respectives à allouer aux entreprises, aux actifs et aux retraités, tandis que le dialogue avec les syndicats et autres organisations représentatives des différents corps consistait à trouver un accord sur le partage des bénéfices de la croissance.
En dépit de nombreuses divergences de vues, il était relativement aisé de répartir les surplus, permettant ainsi les hausses de salaires, de retraites, mais aussi l’augmentation des cotisations et des transferts sociaux. Insidieusement et inexorablement, la cohorte des hausses d’impôts s’est mise en branle, couplée à un accroissement continu des dépenses publiques, devenues de plus en plus incontrôlables.
Or, depuis plus de quarante ans, la machine s’est grippée et beaucoup de responsables politiques feignent ou semblent ne pas en avoir conscience. On pense résoudre les problèmes économiques en usant des relances keynésiennes dont on connaît le succès temporaire et très mesuré, ainsi que par le recours massif à l’emprunt, faisant peser un fardeau accablant sur les générations futures. À l’image du débat environnemental et climatique amplement traité dans ce numéro.
 
L’adoption de l’euro par les pays du Sud n‘a pas aidé puisqu’il est devenu impossible d’ajuster la valeur de la monnaie par le biais des dévaluations successives. En parallèle, les déficits perdurent dans un environnement de croissance atone qui ne présente pas de signe tangible d’amélioration substantielle. Alors que faire ? Réformer bien sûr. Mais pour cela il faut être en présence d’une population mature et adepte du bon sens. Même lorsque les peuples ont ces qualités, les dirigeants politiques ne leur font pas confiance. L’exemple français est édifiant. Une grande partie du peuple réclame des réformes de bon sens et a conscience des efforts à faire qui ne délivreront des résultats tangibles qu’à long terme. Or, c’est toujours la minorité bruyante que l’on entend. Celle de la surenchère irresponsable, qui considère que l’État est une manne inépuisable.
Les Suisses eux ont compris que l’État n’est pas décorrélé de l’économie et que les dépenses publiques sont financées par l’impôt. C’est d’ailleurs pour cette raison que le vote du 19 mai est passé, avec une large acceptation de la réforme de la fiscalité des entreprises. Dans quel autre pays d’Europe on accepterait des « cadeaux » faits aux entreprises, et le maintien d’un forfait fiscal pour les plus fortunés ? Dans quel pays refuserait-on l’instauration d’un salaire minimum ou bien d’une semaine de congés supplémentaire ?
Le bon sens commande pourtant de ne pas faire fuir ceux qui contribuent au financement des fameuses dépenses publiques et permettent une action sociale de qualité.
Malheureusement, en France notamment, nombreux sont ceux qui pensent qu’il faut prendre encore plus aux riches et rétablir l’ISF. Ont-ils compris que les personnes les plus fortunées, tout comme les entrepreneurs en passe de l’être, sont aussi les plus mobiles ?
Lorsque l’impôt devient dissuasif, on quitte le territoire pour créer de la richesse ailleurs, qui profite nécessairement au pays d’accueil.
On n’échappe plus à l’impôt, sauf à vivre dans un pays à fiscalité zéro comme Dubaï ou bien dans un pays connaissant un régime fiscal temporaire privilégié comme le Portugal, la Grande-Bretagne ou encore Israël. Pour les autres, les nouvelles normes mondiales sur l’échange automatique d’information empêchent les inconscients de se livrer au jeu de l’évasion fiscale.
On s’échappe donc de pays à l’obsolescence programmée non pas pour ces mauvaises raisons, mais pour créer et innover sur des terres moins sclérosées, où l’on n’est pas suspect si l’on réussit. La Suisse est un exemple pour l’Europe. Croisons les doigts pour qu’elle le reste et ne sombre pas dans les travers de ses voisins.
 
par Alexandre Bardot

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