Page d'accueil du site Navigation principale Début du contenu principal Plan du site Rechercher sur le site

Investir dans l’immobilier en France ?

07.05.2020 - 20:01
Le contexte juridique et fiscal au sein de l’OCDE évolue considérablement, à la fois vers une transparence accrue, mais aussi vers l’exigence d’une réalité économique dans les structurations transnationales. La place financière suisse a longtemps utilisé pour ses clients locaux et internationaux, la « boîte à outils » luxembourgeoise, presque inépuisable ces vingt dernières années pour fournir à l’ensemble de la planète des outils d’ingénierie fiscale et financière. Par Alexandre Bardot.

Or, les mécanismes tendent à se gripper progressivement, lorsque les structures internationales mises en place par les orfèvres du patrimoine sont trop agressives et manquent cruellement de « rationale économique ». Comment justifier qu’un résident français investisse dans l’immobilier de son pays à travers un véhicule d’investissement luxembourgeois ? Dans la plupart des cas, cela s’avère délicat, à part l’objectif fiscal bien sûr, désormais pourfendu sans relâche, et pour autant qu’il existe.

Les plus futés exposeront que l’objectif peut être de regrouper dans une structure ad hoc des investisseurs de différents pays et que le droit luxembourgeois permet de faire du sur-mesure, impensable dans nombre de juridictions ; l’ingénierie n’étant pas seulement fiscale, mais aussi juridique.

Cerise sur le gâteau : on peut en faire un instrument de gouvernance qui a pour vocation d’investir dans différents pays. Il devient alors complexe pour une administration fiscale étrangère d’invoquer un abus de droit, ou du « treaty shopping ».

Quant aux autres structurations transfrontalières qui n’ont d’autre raison d’être que fiscale, il convient de se préparer à signer leur acte de décès. Les administrations fiscales de l’ensemble des pays développés remettent progressivement en cause les structures sociétaires ou instruments comparables en question, à chaque fois que l’on est en présence d’un montage insolite ou dont on peut à l’évidence douter des bonnes raisons « non fiscales » qui ont sous-tendu leur mise en place.

Que les choses soient claires : les directives ATAD et DAC 6 qui renforcent des dispositifs domestiques de plus en plus perfectionnés signent clairement la fin de l’artificialité des structurations et imposent aux professionnels concernés de dévoiler les montages considérés comme étant « agressifs ». Il convient donc de réaliser un audit juridique et fiscal complet des structures de nos clients.

Or, nous avons pu faire le constat que la plupart des clients investis dans l’immobilier en France ou le Private Equity l’avaient fait à travers des structures luxembourgeoises. Dans ce contexte, la signature d’une nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg en 2018 fait rentrer ces structures dans l’ère post BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) et soulève un certain nombre de questions qui peuvent faire douter de leur pertinence.

En 2014 déjà, une alerte avait été matérialisée par un nouvel avenant, qui confirmait la fin prévisible du régime fiscal favorable, résultant de l’application combinée du régime luxembourgeois d’exonération des plus-values de cession de titres et des dispositions de la convention franco-luxembourgeoise attribuant au Luxembourg le droit de taxer les plus-values réalisées par des sociétés luxembourgeoises, lors de la cession de sociétés à prépondérance immobilière françaises. Par conséquent, les cessions de parts ou actions de sociétés à prépondérance immobilière française étaient désormais taxables en France, indépendamment du nombre d’entités interposées.

Quant aux principales dispositions entrées en vigueur en 2019, il convient de mentionner une nouvelle définition de la résidence fiscale et de l’établissement stable, combinée avec l’introduction d’une clause générale anti-abus.

En premier lieu, la convention, en redéfinissant la résidence fiscale, requiert désormais l’assujettissement à l’impôt dans l’État contractant et ne se fonde plus sur le centre effectif de direction. Ainsi, les structures luxembourgeoises non soumises à l’impôt sur les sociétés, comme les SPPICAV qui bénéficiaient préalablement de la convention, sortent du champ d’application de la nouvelle convention, en dehors des cas elles sont explicitement visées. Quant aux SIIC se trouvant dans le champ d’application de l’impôt et bénéficiant d’une exonération des revenus soumis à obligation de distribution, nous sommes d’avis qu’elles doivent bénéficier des dispositions conventionnelles.

Ensuite, la définition de « dividende » est étendue aux revenus réputés distribués, ce qui est susceptible d’avoir des conséquences concernant les flux de sortie.

La nouvelle convention introduit également une clause générale anti-abus, dans son article 28, qui exclut l’application de ses dispositions lorsque l’un des objets principaux du montage ou de l’opération en cause n’est autre que d’en bénéficier. Sa portée est essentielle, lorsque l’on peut raisonnablement conclure, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances, que l’octroi d’un avantage conventionnel était un des objets principaux d’un montage.

La nécessité de composer avec le « motif principalement fiscal » est essentielle.

L’alternative luxembourgeoise semble donc moins attrayante que par le passé et génère des nouvelles sources de frottement fiscal. Les temps changent, il convient d’écouter les vendeurs de structures avec prudence et circonspection. Ils ne seront plus là en cas de contentieux avec l’administration fiscale concernée.

SBM Logo