Page d'accueil du site Navigation principale Début du contenu principal Plan du site Rechercher sur le site

L’ATTRACTIVITÉ DE LA SUISSE DANS UN MONDE INCERTAIN

30.06.2017 - 16:12
Malgré le pessimisme ambiant en Europe, force est de constater que le monde n’a jamais été aussi sûr et prospère qu’aujourd’hui. Les calendriers politiques européens, le Brexit, les récentes tensions géopolitiques, ainsi que l’élection de Donald Trump sont des évènements majeurs qui ont permis aux spécialistes du catastrophisme d’annoncer l’apocalypse. Le monde serait devenu dangereux et irrespirable.

Pourtant, les dernières données académiques disponibles, dont celles de chercheurs comme Max Roser de l’Université d’Oxford ou Steven Pinker de l’Université de Harvard, tendent à démontrer que la situation contemporaine mondiale n’a jamais été aussi favorable, tant sur le plan de l’économie que sur le plan de la santé ou encore de la sécurité.

Aujourd’hui, une proportion inférieure à 10 % de la population mondiale vit avec moins de 2 dollars par jour, contre près de 50 % dans les années 80. Par ailleurs, 90 % de la population mondiale a accès à l’eau potable et l’espérance de vie mondiale a dépassé, pour la première fois de l’histoire, le cap des 70 ans. Sur le plan sécuritaire, nous n’avons pas connu de conflit majeur depuis la Seconde Guerre mondiale et le terrorisme, cette terrible métastase, tue pourtant moins qu’il y a quelques décennies.

Le progrès lié au capitalisme et à la démocratie n’est pas une chimère, même si on constate que certaines régions du monde stagnent, tandis que d’autres, principalement en Asie et en Afrique, connaissent une croissance soutenue.

Au sein du continent européen déprimé, la Suisse est un îlot de prospérité. Les indicateurs sont au vert. Chômage bas, économie ouverte sur le monde et compétitive, recherche, innovation et éducation de grande qualité sont quelques ingrédients d’un cocktail vertueux. Cependant, n’oublions pas que les pays en développement misent également énormément sur l’éducation, la recherche et l’innovation.

Les effets de la mondialisation ont permis de faire sortir deux milliards d’êtres humains de la misère, mais aussi de former des millions d’ingénieurs et spécialistes de toutes sortes dans les hautes écoles et les universités asiatiques notamment, constituant une nouvelle concurrence inattendue. La Chine dépense désormais plus en matière de recherche que toute l’Europe réunie. L’inexorable montée des pays asiatiques dans le classement PISA démontre, malgré les critiques sur le système d’évaluation lui-même, une tendance forte : l’Asie est en chemin pour gagner la bataille de l’éducation. Il n’est bien évidemment pas trop tard pour la Suisse ni pour l’Europe. Nous avons trop d’atouts en main pour craindre un engagement dans la compétition mondiale.

Mais il est illusoire de penser que nous garderons l’avantage en termes de recherche etd’innovation si nous ne prenons pas rapidement des mesures fortes sur le plan éducatif. De la même manière, sur le plan fiscal, nous
sommes peu à peu distancés par des places financières plus compétitives. Le « paradis fiscal » helvétique est un leurre, surtout dans la partie romande où les taux d’imposition, en comparaison internationale, sont très
élevés. Des juridictions très attractives, tant sur le plan économique que sur le plan stratégique, comme Singapour ou Hong Kong, ou encore Maurice, offrent des taux de 15 à 17 % d’impôt sur le revenu pour les personnes physiques, sans impôt sur la fortune.

Plus près de nous, Dubaï offre un environnement sans fiscalité, à l’exception de l’introduction de la TVA prévue pour 2018, et attire de manière croissante des entrepreneurs européens travaillant avec l’Asie, à la recherche d’un pays d’accueil à mi-chemin, offrant beaucoup de dynamisme en matière économique. Dans la région, Israël offre également un cadre fiscal et économique de grande qualité. Le foisonnement de start-up et la
possibilité de bénéficier d’une exonération fiscale de dix ans sur la totalité des revenus de source étrangère, y compris les pensions de retraite, ont constitué un déclencheur pour de nombreux Européens désireux de rejoindre l’État hébreu. Le succès ne se dément pas depuis la fin 2008, date de la mise en place de cette réforme fiscale d’envergure à l’occasion des 60 ans de l’État d’Israël, à destination des nouveaux immigrants et des Israéliens désireux de s’y établir.

Beaucoup plus près de nous, l’Europe compte des juridictions d’accueil particulièrement compétitives pour les entrepreneurs et les grandes fortunes. Le Portugal s’est récemment positionné sur ce créneau en offrant un nouveau régime fiscal. Le nouveau statut de résident non habituel portugais introduit en 2009 donne la possibilité à ceux qui souhaitent devenir résidents au Portugal de bénéficier d’une taxation des revenus de source étrangère favorable, avec exonération de la taxation au Portugal et une double exonération possible, à la fois au Portugal et dans le pays où le revenu est payé, s’il y a une Convention fiscale en vigueur.

La Belgique et le Luxembourg n’offrent pas des taux faciaux particulièrement attractifs à première vue, mais les revenus issus de la gestion du patrimoine sont faiblement taxés et permettent d’utiliser des solutions d’ingénierie financière inconnues en Suisse. L’absence d’imposition sur la fortune est un atout supplémentaire.

À cet égard, il convient de préciser que l’impôt sur la fortune a quasiment disparu de la surface du globe, à l’exception notable de la Suisse et de la France. Londres est la capitale européenne qui continue d’attirer les grandes fortunes, pas seulement russes ou moyen-orientales. Le régime des résidents non domiciliés permet,
encore pendant 15 ans, de bénéficier d’une absence de taxation sur les revenus étrangers non rapatriés au Royaume-Uni. Il n’existe encore une fois aucun impôt sur la fortune.

L’Italie est le dernier pays entrant à proposer un régime fiscal particulièrement attractif : l’introduction d’un forfait de 100 000 euros ou 125 000 euros pour un couple qui permettra aux nouveaux résidents italiens, moyennant respect de quelques conditions aisées à remplir, de plafonner leurs impôts à ce montant forfaitaire sur tous leurs revenus étrangers, sans reporting fiscal global. Les droits de donation et succession sont inexistants sur les avoirs étrangers et très faibles sur les avoirs italiens.

Ces quelques exemples doivent nous faire prendre conscience que La Suisse romande, malgré la longue expérience de la concurrence fiscale intercantonale, n’est plus si attractive sur le plan fiscal pour les personnes
fortunées et les entrepreneurs. Outre le forfait fiscal fort décrié et instrumentalisé politiquement dont les bases d’imposition ont fortement augmenté, le régime ordinaire en Suisse romande n’est plus du tout compétitif en droit fiscal comparé. L’impôt sur la fortune est une aberration qui s’applique à un patrimoine déjà taxé par le passé tandis que les revenus de ce patrimoine, mobilier ou immobilier, sont quasi nuls voire négatifs.

Pour beaucoup, il est nécessaire de ponctionner le capital pour payer les impôts. Au surplus, les entreprises font partie de l’assiette de cet impôt contrairement à la France par exemple, alors qu’elles génèrent croissance et impôts pour les cantons. Sans compter leur valorisation pour le calcul de l’impôt souvent de très loin supérieure à leur valeur réelle de revente sur le marché. L’impôt sur les revenus n’est pas en reste avec des taux dépassant les 40 %. Nous n’évoquerons pas ici le droit de timbre qui nous semble anachronique dans le nouveau paradigme mondial. En revanche, il nous semble essentiel d’évoquer en corollaire la question de la fiscalité des entreprises après le rejet très net de la RIE 3. Une baisse de l’impôt des sociétés et une introduction de mesures d’allègement dans le respect du refus de la réforme nous semblent indispensables.

Bien que le contenu de la loi révisée ne soit pas encore connu, il nous semble indispensable que celle-ci accorde une marge de manoeuvre importante aux cantons en matière de baisse du taux d’imposition. Par ailleurs, il nous paraît nécessaire d’introduire, entre autres, des mesures spéciales en matière de recherche &
développement, à l’image de ce qui existe en Europe. Une solution compatible est indispensable et envisageable au vu de ce qui existe dans l’arsenal législatif des pays européens, à l’instar du Luxembourg ou des Pays-Bas. Un processus législatif unique intervenant dans de brefs délais doit être privilégié.

Depuis septembre 2015 en effet, onze grands pays ont décidé de réduire la taxation des entreprises, dont l’Australie, La Chine, Israël, l’Italie, le Japon, la Norvège et le Royaume-Uni. S’ajoutent à ces réductions faciales de l’impôt sur les sociétés toute une série de mesures telles que les incitations fiscales à l’investissement ou à la recherche & développement, ou encore des niches à destination des start-up, PME ou acteurs du numérique, sans compter les zones économiques spéciales qui ne sont pas créées qu’en Chine.

Quelques exemples, la Hongrie a décidé de baisser son impôt sur les sociétés à 9 %, le Royaume-Uni menace
de l’abaisser à 15 %. De même que les États-Unis, dans le cadre d’une « réforme fiscale historique ». La Chine a elle aussi prévu d’abaisser son impôt sur les sociétés à 15 %. Il ne s’agit pas ici de lancer une
polémique, car nous n’avons pas forcément intérêt à entrer dans la politique du moins-disant. La Suisse n’est pas armée pour le low cost.

En revanche, il faut faire prendre conscience à l’ensemble des citoyens que les choses bougent dans le monde à une vitesse supersonique et qu’il convient de ne pas s’assoupir en rêvant de la gloire passée, mais au contraire de profiter de notre modèle encore vertueux pour mettre en place les réformes d’ensemble nécessaires à la prospérité future.

SBM Logo