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LE DIGITAL, AVENIR DE LA BANQUE PRIVÉE SUISSE ?

12.12.2017 - 23:28
Qu’en est-il de la numérisation en Suisse ? Le pays offre des conditions-cadres optimales. L’infrastructure IT est exceptionnelle, l’équipement en fibre optique est l’un des meilleurs, l’Internet mobile fonctionne contrairement à la plupart des pays avancés et le pays compte deux des meilleures écoles polytechniques au monde. La densité de brevets est d’ailleurs la plus élevée de la planète. Pourtant, les grands groupes du numérique viennent pour la plupart des États-Unis, la Confédération ne comptant que deux acteurs de premier plan. La Suisse n’est pas encore le hub idéal pour les start-up technologiques qui seront à même de créer de la valeur pour tous les secteurs, dont le secteur bancaire. La question fondamentale est de savoir si le private banking est compatible avec une gestion robotisée et une offre de produits standardisés.

La réponse est évidemment négative. Les clients ont des besoins complexes en constante évolution et surtout ont des exigences en termesde gestion individualisée de leur fortune. Il s’agit surtout ici de la valeur ajoutée de tout le secteur de la gestion de fortune suisse qui est concernée.

Celle-ci ne consiste pas simplement à faire une gestion "fiscalement conforme", en d’autres termes adaptée aux spécificités du pays de résidence des clients, qui par exemple conduit à privilégier la réalisation de plus-values plutôt que de revenus d’intérêts ou de dividendes. Les banques domestiques savent d’ailleurs très bien le faire. Or, les instruments digitaux vont à l’encontre d’une telle personnalisation et adaptation aux besoins du client.

Pire, d’une certaine manière, les réglementations édictées suite à la dernière crise financière ainsi que la réglementation à venir, notamment la loi sur les services financiers en Suisse et MiFID2 en Europe vont contribuer à accentuer la normalisation de la gestion. L’objectif de renforcer la protection de l’investisseur et d’accroître la transparence est bien compris et nécessaire, Mais il peut avoir pour effet délétère de renforcer la gestion indicielle au détriment de la gestion active.

Or, le client privé souhaite, en confiant sa fortune à gérer aux spécialistes helvétiques, à créer de l’alpha, de la performance absolue. Il n’a cure de la performance relative liée aux indices et il n’est pas besoin de venir jusqu’en Suisse pour trouver des gérants-machines capables de les répliquer. L’évolution réglementaire est ainsi à mettre en perspective avec l’évolution technologique puisque les deux sont liées. À cet égard, "Rien n’est exclu, même pas de quitter le pays" tonnait il y a quelques semaines le patron de la plus grande banque du pays auprès de Bloomberg Markets. C’est encore une fois la (sur)règlementation du secteur qui est visée. On peut le comprendre. Mais il convient de quantifier ce que les grandes banques helvétiques auraient à perdre si elles n’étaient plus marquées de la croix blanche sur fond rouge, par rapport à ce qu’elles pourraient gagner sur le gap réglementaire.

Beaucoup certainement. C’est aussi la suissitude qui attire les clients dans notre pays et l’image de solidité du pays, non galvaudée d’ailleurs. Être ailleurs pour aller où ? Et comment se différencier ? D’autant que le cadre réglementaire européen n’est pas plus enviable. Le cadre réglementaire américain l’est-il réellement plus ? Avec quels inconvénients. En période de profonds changements et de grandes mutations, les idées et stratégies tendent à devenir erratiques. Or, les clients anxieux et inquiets de nombreux pays ont besoin de stabilité et de prévisibilité. Il convient de leur offrir ce cadre tout en préservant ce qui fait la force du secteur
et en continuant sans relâche, à poursuivre le processus d’amélioration du niveau de service et de technicité, tant sur le plan de la gestion que sur les autres types de services. Il est difficile et trop tôt pour faire un état des lieux dans un secteur aussi traditionnel encore que la banque privée.

À notre sens, les acteurs du digital ne sont pas encore capables de rivaliser et proposer des services sur mesure comme peuvent le faire les acteurs de la gestion de fortune. L’évolution du numérique et de la fintech permettra certes de répondre à la plupart des besoins des clients "affluents", mais certainement pas des exigences de clients internationaux et sophistiqués. À condition toutefois que la banque privée et que l’ensemble des acteurs de la gestion de fortune en Suisse continuent à accélérer leur mue et à évoluer qualitativement, selon une courbe exponentielle allant de pair avec l’évolution réglementaire et les nouveaux besoins inhérents aux changements générationnels. Les connaissances doivent être mises à niveau grâce à des programmes et partenariats mieux coordonnés avec les universités et instituts de formation de pointe. Le gestionnaire de la relation client doit évoluer dans sa capacité à devenir un excellent chef d’orchestre, entouré des meilleurs spécialistes en fonction de la thématique à traiter. Les acteurs du digital, ou les acteurs traditionnels ayant intégré les technologies et les meilleures pratiques qui s’imposeront seront ceux qui concevront une véritable proposition de valeur.

Il convient donc d’intégrer le numérique au sein du business model et non pas de l’opposer au modèle traditionnel haut de gamme que nous connaissons encore aujourd’hui. On imagine difficilement un robot advisor définir une stratégie patrimoniale globale, la structurer sur le plan juridique et fiscal, appréhender les investissements sur mesure dans l’immobilier ou le private equity, en prenant en compte l’ensemble des paramètres. Il n’est pas question de procéder à des choix ontologiques radicaux. La banque privée doit aborder l’avenir avec confiance. Les contraintes réglementaires liées à une approche multi-juridictionnelle sont
difficilement compatibles avec une automatisation aveugle et constituent aussi une occasion unique pour la place financière de se démarquer par rapport à des places concurrentes moins sophistiquées.

Le secteur a tout à gagner d’une intensification des relations et de l’accroissement des interactions entre le conseiller et son client qui partagera avec lui ses projets et nouveaux besoins. \

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