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Nouveau motif de contentieux avec la France ?

06.12.2018 - 16:21
Pour la plupart d’entre eux, les résidents suisses propriétaires de biens immobiliers situés en France ont à l’esprit la désormais célèbre jurisprudence « De Ruyter », qui leur avait permis d’obtenir le remboursement des prélèvements sociaux, qui depuis une modification législative du 16 août 2012, s’appliquaient sur leurs revenus immobiliers et les plus-values immobilières de source française. Par Alexandre Bardot.

Ces remboursements étaient simplement subordonnés à la condition que les contribuables non-résidents (non affiliés au régime de sécurité sociale français) soient affiliés à un régime de sécurité sociale de l‘Union européenne, de l’espace économique européen ou de la Suisse. Cette jurisprudence avait donné raison aux contribuables, sur le fondement du droit de l’Union européenne, qui estimaient ne pas devoir être mis à contribution pour le financement du régime social de plusieurs États en même temps !

Par une loi du 21 décembre 2015, que nous avions accueillie avec un certain scepticisme, le gouvernement français a alors décidé de contourner cet écueil jurisprudentiel ainsi que le Règlement européen, en modifiant l’affectation des prélèvements sociaux qui servaient directement au financement des branches générales de la sécurité sociale. En 2016, un résident fiscal français affilié au régime de la sécurité sociale suisse a introduit une demande de remboursement, que l’administration fiscale a refusée. Le Tribunal administratif de Strasbourg y a fait droit le 11 juillet 2017, en le déchargeant intégralement des prélèvements sociaux.

Le 31 mai 2018, la Cour administrative d’appel de Nancy a prononcé le remboursement partiel des prélèvements sociaux, à savoir ceux affectés au Fonds de solidarité vieillesse et/ou à la Caisse d’amortissement de la dette sociale. En considérant que ces contributions sont régies par le principe d’unicité de la législation prévue par le règlement CE n° 883/2004 dès lors qu’elles financent des prestations de sécurité sociale, elle ouvre de nouvelles possibilités de contentieux pour les résidents suisses. En d’autres termes, on pourrait en conclure que la Cour administrative d’appel de Nancy a considéré que le petit tour de passe-passe qu’avait fait le gouvernement pour affecter les Prélèvements sociaux à des caisses non contributives n’était pas conforme au Règlement européen sur le principe d’uni- cité des régimes de sécurité sociale. Il y a donc ici à notre sens un nouveau motif de contentieux pour les résidents suisses qui ont supporté des prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine de source française.

En revanche, concernant l’autre fraction du prélèvement social (1,15 %) et sa contri- bution additionnelle, affectées à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la Cour administrative d’appel de Nancy a transmis une question préjudicielle à la CJUE sur l’application du règlement précité aux prestations gérées par cet organisme. Cette analyse doit nous conduire à informer nos clients en Suisse de l’intérêt de cette démarche. Nous ne doutons pas que l’ad- ministration française portera le conten- tieux devant le Conseil d’État et qu’elle rejettera les demandes de remboursement tant que celui-ci ne se sera pas prononcé.

Libre alors à chacun de décider d’introduire un recours devant le Tribunal administratif pour ne pas se retrouver dans une situation de prescription, dans la mesure où une demande doit être introduite avant le 31 décembre 2018 pour les revenus immobiliers perçus en 2015 et pour les plus-values réalisées en 2016. Ceci est encore une démonstration du cynisme dont a fait preuve le législateur en tentant une manœuvre contraire au droit européen.

Parmi les autres nouveautés fiscales sur le front français, il convient de se pencher sur la célèbre « exit tax », qui jouait le rôle d’une herse fiscale en décourageant les départs de France. Cette imposition sur les plus-values latentes, en cas de départ de France, avait été introduite pour la première fois en 1998. Abrogée en 2005 pour non-conformité au droit européen après un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, elle avait été réintroduite en 2011 dans une version euro compatible.Très critiquée pour sa complexité et surtout non rentable, elle est remplacée par un dis- positif anti-abus qui s’appliquera aux départs de France intervenant après le 1er janvier 2019.

Dans ce contexte, si le principe de l’imposition est maintenu, celle-ci interviendra unique- ment en cas de cession dans les deux ans du départ et sans garantie, sauf si le départ a lieu à destination d’un État sans assistance au recouvrement. Rappelons que de 2011 à 2015, l’administra- tion a reçu chaque année 300 à 400 déclarations d’« exit tax », dans lesquelles les contribuables déclaraient leurs plus-values latentes. Or, la plupart de ces plus-values ne seront jamais taxées en France. Cette usine à gaz bureaucratique est complexe à gérer pour l’administration sur le plan du suivi des dos- siers. Au surplus, au-delà d’un délai de 15 ans, l’imposition n’est plus due en France. Cette simplification est donc bienvenue, à défaut de suppression. Le message est clair : il convient de faciliter des installations ou des retours en France afin que les contribuables ne se sentent pas piégés en cas d’obligation d’expatriation subséquente.

Notons enfin, conformément au chemin très orwellien que prend le monde à diffé- rents niveaux, qu’un nouveau fichier a été mis en place concernant ces expatriations. Un arrêté du 6 octobre 2016 a en effet porté création par la Direction générale des finances publiques, d’un traitement automatisé d’appariement de données à caractère personnel, relatives aux personnes physiques redevables des impositions liées au transfert de leur domicile fiscal hors de France dénommé « Statistiques exit-tax ». De la véritable poésie…

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