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Menace sur l'économie suisse

30.01.2024 - 19:43
Par John Hartung, co-directeur, Market Magazine

L’Europe a mis en place un système de Directives qui modifie son tissu économique. Les exigences de reporting sont comparables à ce que la finance suisse a connu il y a une 20aine d’années, à la suite de scandales répétés ayant nécessité la mise en place de mesures administratives de contrôle, lesquelles ont doublé le nombre d’assistant par gérant de fortune.

Communiquer sur ses impacts implique de les comprendre et de les mesurer. Cet investissement en know-how, en conception et collecte d’informations a pour conséquences que les entreprises européennes financent et opèrent en ce moment-même leur transition écologique et économique, alors que la Suisse en est au round d’observation.

Ce n’est pas tout ! les organisations européennes de plus de 500 employés ont pour obligation de communiquer leurs impacts sur un périmètre de « scope 3 », soit un territoire qui inclut les impacts de leurs fournisseurs. Dès lors, les PME qui font partie de leur chaîne de valeur se doivent de transmettre des informations quant à leurs propres impacts qui soient compatibles aux exigences de reporting de leurs clients ; en obligeant formellement les grosses entreprises, les Directives obligent matériellement l’ensemble de l’écosystème, faisant que le client réclame la donnée plutôt que l’Etat.

Bien que la mise en place d’un tel système ne soit pas sans créer d’usines à gaz, dans deux ou trois ans, pratiquement l’ensemble des entreprises européennes pourra attester de ses impacts, selon des standards compatibles. C’est stupéfiant. Une Suisse qui gagne un franc sur deux à l’étranger devrait s’en inquiéter.

A titre de comparaison, les Etats de Genève et de Vaud en sont à offrir, partiellement ou en totalité, des diagnostics RSE aux entreprises ayant bien voulu manifester le souhait de profiter de la mesure ; nous venons de voter une loi climat dont chaque mise en œuvre pourra être défiée par un UDC qui semble avoir tourné le dos à la Vie ; nous serons contraints de faire passer des lois molles sans quoi elles seront refusées, mollesse qui se retrouve dans le cœur-même d’une loi Climat retenant un périmètre de responsabilité de « scope 2 », lequel n’intègre pas les impacts des fournisseurs nécessaires à la fabrication des produits que nous revendons.

En 2021, le marché européen pesa pour 58% des exportations suisses. Si 58% de nos exportations nous demandent de fournir des données quant à nos impacts de scope 3, fournir des données de scope 2 ne suffira pas. Nos entreprises – exportatrices au minimum - devront aller au-delà de la Loi Climat.

Par ailleurs, si nos concurrents européens ont intégré les contraintes environnementales à leurs modèles d’affaires, non-seulement elles pourront récupérer les carnets de commandes d’entreprises suisses « non-compatibles », mais – et c’est bien plus trivial – elles auront modifié leurs modèles d’affaires en conséquence, appris à se sourcer différemment, à pouvoir gérer une éventuelle décroissance lorsque cela sera nécessaire – et il ne faut avoir aucun doute quant au fait que ça le sera – et elles sauront fonctionner avec des marges moins gourmandes, dont la pression sur les limites planétaires n’a pas pour conséquence l’éradication de la vie sur Terre.

Ainsi, la Suisse est en passe d’être dépassée en termes de compétitivité internationale pour des questions de compatibilité comptable, ce pour s’être contentée de travailler sur 50% de son empreinte carbone à une époque où elle était suffisamment riche pour financer sa transition. Il nous restera alors comme partenaires économiques les pays les moins regardants de la planète, dont je doute qu’ils fassent notre réputation et maintiennent notre bonne fortune.

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